Dakar 1985
Publié : 25 Mars 2023, 21:46
1985 a été l’année record de participants en anneaux
Nous connaissons les 3 Ur « malardeau » et bien sur celle de notre président
Il y avait également une 80 quattro
Le groupe « DAKARDANTAN » raconte l’histoire d’ailleurs sur la dernière photo on y voit celle de Jacques (photo que je découvre)
Donc voici ;
« Dakar 1985, une autre Audi sur le rallye : la 80 Quattro de l’équipage Revret/Litzler
Quand on évoque Audi et le Dakar, on pense immédiatement à l’épopée des Audi Quattro en 1985 ou bien encore à la monstrueuse Audi Quattro de Franco De Paoli ! Et puis bien sûr au retour de la marque aux anneaux lors des dernières éditions, avec un véhicule hybride visant la victoire...
Pourtant, il existe d’autres véhicules de la marque allemande qui ont jalonné l’histoire du rallye, même si, reconnaissons-le, ils sont finalement assez rares.
Aujourd’hui, nous allons revenir sur l’un d’entre eux, passé relativement inaperçu à l’époque car fortement ombragé par la présence de ses grandes sœurs, les 3 Audi Quattro coupé du Team Malardeau. Car cette même année, en 1985, une autre «petite» Audi Quattro relevait le défi du Dakar : une Audi 80 B2 Quattro.
Retour sur cette participation, son équipage, sa préparation et sur ce qui est arrivé pendant la course, Dakardantan vous dit tout!!
Évidemment, tout a commencé bien avant le premier janvier 1985 : Alain Revret (la trentaine à l’époque) est contrôleur aérien ( «aiguilleur du ciel» comme disent les journalistes ) et forcément passionné d’aviation ; mais aussi de belles voitures et de sport automobile.
Cela l’a amené à participer aux sélections de la célèbre école de pilotage, la Jim Russell Racing School , basée sur le circuit de Snetterton, au nord-est de Londres. Il aura d’ailleurs l’occasion de prendre le départ d'une course à laquelle Ayrton Senna participait, ni plus ni moins : peu de gens peuvent faire état d’avoir couru avec Ayrton Senna, Alain Revret, lui, si !! C’est donc tout naturellement qu’il participa aussi à quelques rallyes, comme le Tour de la Méditerranée sur Peugeot 504 TI en 1979... (remporté par Guy Fréquelin sur R5 Alpine turbo)
Breveté Pilote Privé Avion en 1975, Alain a participé au premier Tour Aérien du Maroc en 1981 ; la découverte du continent africain lui donne alors envie de s'aligner sur le Paris-Dakar. Cette envie devient de plus en plus pressante, à tel point qu’en 1984, il envisage une première fois de s’engager sur une Citroën Visa 4x4 pour tenter l’aventure. Finalement, ce projet ne pourra se réaliser pour différentes raisons, mais ce n’est que partie remise. D’autant que sa compagne de l’époque, Micheline Litzler, chef-comptable chez Vuibert, est également séduite par le projet! Elle sait en plus qu’un budget a été alloué par cette société spécialisée dans l’édition de manuels scolaires (annales du Bac entre autres) pour être partenaire de Bruno Caillou , pilote moto sur Kawasaki lors de l’édition 1984. Pour le Dakar 85, pourquoi ne pas monter un projet pour parrainer un équipage Revret-Liztler ?
Afin de mettre toutes les chances de leur côté, l’équipage décide de vraiment préparer cette opération : en premier lieu, ils vont participer courant 1984 à un stage de pilotage dans l’école GET de Jean-Michel Fabre, à Cergy-Pontoise. Ils vont non seulement parfaire les techniques de pilotage, de trajectoire et autres apprentissages, mais ils vont en plus rencontrer et sympathiser avec un des instructeurs, Daniel Alary, et lui exposer leur projet : participer au Dakar 1985. Ils cherchent une assistance, n’ont personne pour piloter un véhicule ( rien n’est encore arrêté ) et proposent l’idée à Daniel qui s’empresse de valider cette offre !
A partir de ce moment-là, les choses vont s’enchaîner…
Tout d’abord, le choix du véhicule de course : Alain Revret désire un véhicule simple mais performant, de type berline pour le poids, mais absolument doté de 4 roues motrices.Il repense à son projet de Visa «1000 pistes» mais son choix s'orientera finalement sur l’une des berlines les plus performantes et fiables du marché de l’époque, une Audi 80 Quattro B2.
Bien plus accessible financièrement que la version coupé, elle est équipée du fameux moteur atmosphérique 5 cylindres en ligne de 2,144cm³ développant 136 ch pour un couple de 17,9 mkg. L’alimentation s’effectue par une injection mécanique Bosch K-Jetronic tandis que l’allumage est assuré par un ensemble transistorisé sans rupteurs. Un travail remarquable a également été accompli dans le domaine de la transmission : boite 5 vitesses, trois différentiels, deux arbres de transmission, quatre demi-arbres moteurs, bref - à priori - le modèle idéal... Alain Revret va trouver la perle rare dans les petites annonces et acquérir un véhicule d’occasion avec peu de kilomètres au compteur, un véhicule «normal» sans aucun passé de compétition, dans sa couleur typique NardoGray.
Ensuite le budget : les choses vont se mettre en place peu à peu. Vuibert va apporter le soutien principal avec près de 300 000 francs de l’époque : une belle somme mais qui ne pourra bien sûr pas couvrir le budget total estimé à 600 000F. Du coup, l’équipage de l’Audi va emprunter le restant (300 000F) pour équilibrer les comptes. Le team va alors créer une association, «Quattro MAD Racing» (M de Micheline, A de Alain et D de Daniel {Alary}) pour la partie financière de l’opération, association qui vivra encore de nombreuses années après le Dakar 85...
Puis la préparation de la voiture : Alain Revret va confier son véhicule à la concession Audi d'Amiens. L’immense partie du travail va consister à renforcer, alléger et sécuriser la voiture : l’intérieur sera complètement dépouillé, un arceaux 6 points (réalisé sur mesure) sera installé, de même qu’un réservoir central positionné à la place de la banquette arrière, tandis que deux baquets viendront remplacer les sièges avant. Coté motorisation peu de modifications : le moteur de série est conservé, mais un travail spécifique sur l’allumage et les filtres (air et essence) permet d'augmenter la puissance de 136 cv à 145 cv.
Par contre, pour éviter les dommages pendant la course, la tubulure d'échappement est totalement revue et passe à travers l’habitacle dans un coffrage métallique de protection rempli de laine de verre, avant de ressortir (sans silencieux) à l’arrière du véhicule. Bien évidemment, tout le dessous de la voiture est protégé par un énorme ski en alu à l'avant et par une plaque de protection pour l’essieu arrière (retour d'expérience du Tour de la Méditerranée 79 !).
La chasse aux kilos est lancée : tout ce qui est jugé superflu est enlevé - jusqu’au lave-glace - on sait maintenant que ce n’était pas forcément la meilleure idée ! ( pare-brise impossible à nettoyer lors du prologue...). Les suspensions ont été renforcées par des combinés ressorts-amortisseurs Koni spécifiques. Enfin, la voiture est équipée de pneus Michelin renforcés type «cocotte» avec jantes spécifiques.
L’organisation du team se précise, et l’engagement d’une assistance est alors confirmé : mais si Daniel Alary est du voyage, rien n’est vraiment finalisé. C’est d’ailleurs Daniel qui va leur présenter le 4ème membre du team, Jean-Luc Baudet, un garagiste de Châteauroux, dans l’Indre. Lui non plus n’a aucune expérience du Dakar, mais il avait failli participer au rallye en 83. Le choix du team va se porter sur un pick-up Toyota BJ45 diesel, qui sera acheté par «Quattro MAD Racing» et préparé dans les ateliers de Jean-Luc Baudet.
Si tout parait bien organisé en théorie, le principe de réalité va vite s’appliquer à cette équipe...
Ainsi, la préparation des véhicules va prendre énormément de retard et s’avérer difficile dans le temps imparti... Sans compter sur le budget qui ne couvre pas la totalité des dépenses engagées, à tel point qu'Alain et sa compagne vont devoir réemprunter 100 000F au dernier moment pour couvrir l’ensemble des frais !!
C’est donc deux jours seulement avant les vérifications techniques que l’Audi 80 Quattro sera récupérée par son propriétaire : autant dire qu’il n’y a pas eu d’essais de la voiture avant le départ, et encore moins de possibilité de corriger d'éventuelles imperfections...( et il y en avait!! ). Toute l’équipe croise donc les doigts en se présentant au départ du prologue de Cergy-Pontoise, là-même où quelques mois plus tôt, elle avait effectué le stage de pilotage. C’est Jean-Michel Fabre lui-même qui a tracé le parcours de près de 7km, censé rassembler les différents pièges que devraient rencontrer les concurrents sur les 14000 km du rallye : en effet, le cru 1985 est la plus longue des 7 premières éditions du rallye, traversant la France, l’Algérie, le Niger, le Mali, la Mauritanie et enfin ( pour les heureux rescapés ) le Sénégal....
Mais le prologue ne va pas se passer comme prévu pour notre Audi n°286 : il faut reconnaître que les conditions météo du jour sont particulièrement compliquées, et le circuit de Cergy-Pontoise…passablement détrempé !! La piste est très glissante, recouverte de boue grasse et parsemée de flaques qui sont en fait des cuvettes remplies d’eau boueuse : 7 km de cet enfer à parcourir afin de déterminer l’ordre de départ de la première spéciale en Afrique…
Le prologue va se passer plutôt bien pour notre équipage qui, rappelons-le, connaît un peu cette piste, mais à la sortie Alain reconnaît qu’il a tapé un peu fort à plusieurs reprises sur des réceptions de bosses et de trous : résultat, si les suspensions ont plutôt bien rempli leur rôle, les fragilités « cachées » de la voiture sont vite apparues. Elle termine avec un vilain bruit caractéristique : un support moteur s’est brisé lors de cette petite spéciale. Sans réparation, il sera impossible de continuer !!
A peine cette première épreuve chronométrée terminée, une nouvelle course contre la montre s'engage : trouver un support moteur ! Mais impossible de joindre Audi France (on est Dimanche...) et il faut être à Sète le 1er janvier au soir : Micheline va alors contacter son…... ex-mari qui, pendant que la voiture est au parc fermé sur le parvis de Versailles, va refaire une pièce identique au support moteur cassé à partir de la pièce défectueuse ! Elle sera remontée juste à temps le 1er janvier une heure avant le départ : OUF !!
Mais les ennuis ne font que commencer : dès le départ de Versailles, Alain s'aperçoit qu’il ne peut plus passer les vitesses !! La solution ?? Démarrer en 3ème sur le couple, puis passer la 5ème «au régime» en essayant de ne plus s’arrêter… Tout au long de la descente de la France par la célèbre N20, Alain a tout fait pour s’arrêter le moins possible et a donc grillé l’immense majorité des feux rouges et des stops sur le parcours : il détient sûrement encore le record d’infractions sur une seule journée, heureusement sans avoir été verbalisé...
C’est donc un team très inquiet qui arrive à Alger : la traversée a été plutôt houleuse, plus longue que prévue, et la boite de l’Audi ne fonctionne toujours pas correctement.
La première des choses à faire en mettant les roues sur le sol algérien - très tard dans la journée - c’est d’abord de trouver un endroit pour pouvoir réparer la voiture. Ce sera fait grâce à la gentillesse de coopérants français qui leur proposent d'emmener la voiture au collège où ils enseignent : tout de suite, les mécaniciens inspectent l’Audi pour comprendre ce souci de boîte de vitesse... L’origine du problème va être assez vite identifiée : la cloche d’embrayage n’a pas été suffisamment «étanchéifiée». Lors des passages dans les profonds bourbiers du prologue, de la boue s’était insinuée à l'intérieur et a fini par sécher pendant que la voiture était au parc fermé à Versailles. Cette boue séchée bloque le mécanisme d’embrayage, rendant impossible le passage des vitesses !! Après un nettoyage intensif au Karcher, l’Audi va retrouver toutes ses vitesses comme par miracle : plus de peur que de mal, mais les galères ont donc commencé avant même d'avoir touché le sol africain...
Le rallye ne les a pas attendus : il est déjà parti en direction de Ouargla, 600km plus au sud-est, en passant par le col de Chiffa (encore enneigé). Il faut donc très vite le rattraper et ce n'est pas vraiment le moment de traîner !
Cette liaison va malgré tout un peu rassurer l'équipage, qui retrouve le fonctionnement normal de la voiture : Alain va enfin pouvoir utiliser les 145 cv du moteur, et Micheline va également en profiter pour étalonner son trip-master. A noter une grosse frayeur peu avant Ouargla, lorsqu’un side-car du rallye (qui remontait en sens inverse ??) a failli percuter de plein fouet l’Audi, qui l’évita de peu grâce au réflexe d’Alain et un passage sur les bas-côtés dans de grandes gerbes de sable : c'était chaud !!
Finalement, le team atteint Ouargla au petit matin, à peine trois heures avant le départ de la première spéciale chronométrée, Ouargla-El Goléa. A peine le temps de faire le plein et de boire un café qu’il faut déjà repartir pour les 250 km d’épreuve chronométrée sur une piste caillouteuse, extrêmement cassante, avec des pierres coupantes, de profondes saignées, et des zones de sable mou, sans oublier les nombreux pièges de navigation : bref, une entrée en matière compliquée pour un équipage en manque de sommeil...
Cette spéciale va commencer avec un premier petit souci de liaison entre le pilote et la copilote, via le système radio reliant les deux casques : celui-ci tombe en panne très tôt et empêche une bonne communication pour la navigation au road-book. D’autant que le bruit à l’intérieur de la voiture dépouillée de tout insonorisant est assez assourdissant ! Sans parler de la chaleur qui se dégage du fameux pot d’échappement traversant l'habitacle !!
Mais l’Audi n°286 va plutôt bien s’en sortir, malgré de nombreuses péripéties : un «tankage» dans une zone sablonneuse nécessitant la sortie des pelles et des plaques (la seule fois de la journée, alors que bon nombre de concurrents se feront piéger plusieurs fois), quelques erreurs de navigation (mais vu le rang de départ de la voiture, le suivi du concurrent précédent est souvent l’option choisie), de très gros chocs lors de franchissements de saignées, la tôle ondulée qui fait vibrer l’ensemble de la voiture, un rythme difficile à adopter (passer vite en tapant? Lentement en perdant du temps? Dépasser pour éviter la poussière ?) et de rares moments de plaisir à batailler contre des pilotes «vedettes» attardés.
A l'arrivée de la spéciale, l’Audi n°286 est pointée à El-Goléa au 131ème rang, sur 329 autos-camions classés : malgré cette - plutôt bonne - performance, les dégâts au sortir de la spéciale sont inquiétants.
Deux des jantes spécifiques sont fêlées à plusieurs endroits et doivent impérativement être changées : les deux de secours dans le véhicule d'assistance sont donc utilisées. Mais un constat s’impose : le team n'a emporté «que» 4 jantes de rechange (2 dans l’Audi et 2 dans le Toyota d'assistance) et à l’issue de la toute première spéciale, la moitié du stock est déjà consommée !!
L’étape du lendemain est encore plus compliquée que celle d’aujourd’hui : El-Goléa-In-Salah, 163km de liaison, 298km de spéciale et encore 64km de liaison. Le terrain est assez similaire à la première spéciale, extrêmement varié, sablonneux, puis montagneux et finalement de grands ergs. Encore une fois une étape très piégeuse et cassante : que faire si l’Audi casse encore deux jantes en pleine étape ??
Après concertation et réflexion, Micheline et Alain vont se voir contraints à prendre une difficile mais sage décision : à savoir se retirer de la course trop cassante pour une Audi privée, et remonter sur Alger avec la voiture encore roulante. L’assistance, de son côté, décidera de continuer et de tenter sa chance, espérant rejoindre Dakar, ce qu’elle fera à une magnifique 90ème place au scratch !!
L’Audi, elle, remontera donc (avec ses deux roues de secours) jusqu’en France, l’équipage étant finalement content de ne pas avoir dû abandonner son véhicule au beau milieu du Ténéré au risque de tout perdre...
Ce sera d’ailleurs la seule et unique participation d'Alain et de Micheline au Paris-Dakar, tout au moins en tant que concurrent, car Alain – devenu pilote professionnel avion en 1987 – fera partie de la caravane aérienne de l'édition 1989 en tant que pilote d'un DHC6 «Twin-Otter» de la compagnie TAT... Et cette fois-ci, il arrivera jusqu'au Lac Rose !!
Quant à cette Audi 80 Quattro, elle aura une seconde vie après ce Dakar 85, puisque Jean-Luc Baudet (le pilote du Toyota d’assistance) plutôt impressionné par le début de rallye, décidera de l’acquérir et de participer à son bord au Dakar 1986, accompagné d'Antoine Mazonello.
Ce sera pour le coup l’ultime participation de cette voiture, puisqu’elle périra, entièrement dévorée par les flammes, au cours de cette 8ème édition de l’épreuve.
Mais ceci est une autre histoire…
Un immense merci à Alain Revret pour son témoignage et sa collaboration à cet article, tout comme à Jean-Luc Baudet.
Nous avons finalement retrouvé très peu de photos de cette participation en 1985, si vous avez des clichés, surtout, n'hésitez pas à partager!
Nous connaissons les 3 Ur « malardeau » et bien sur celle de notre président
Il y avait également une 80 quattro
Le groupe « DAKARDANTAN » raconte l’histoire d’ailleurs sur la dernière photo on y voit celle de Jacques (photo que je découvre)
Donc voici ;
« Dakar 1985, une autre Audi sur le rallye : la 80 Quattro de l’équipage Revret/Litzler
Quand on évoque Audi et le Dakar, on pense immédiatement à l’épopée des Audi Quattro en 1985 ou bien encore à la monstrueuse Audi Quattro de Franco De Paoli ! Et puis bien sûr au retour de la marque aux anneaux lors des dernières éditions, avec un véhicule hybride visant la victoire...
Pourtant, il existe d’autres véhicules de la marque allemande qui ont jalonné l’histoire du rallye, même si, reconnaissons-le, ils sont finalement assez rares.
Aujourd’hui, nous allons revenir sur l’un d’entre eux, passé relativement inaperçu à l’époque car fortement ombragé par la présence de ses grandes sœurs, les 3 Audi Quattro coupé du Team Malardeau. Car cette même année, en 1985, une autre «petite» Audi Quattro relevait le défi du Dakar : une Audi 80 B2 Quattro.
Retour sur cette participation, son équipage, sa préparation et sur ce qui est arrivé pendant la course, Dakardantan vous dit tout!!
Évidemment, tout a commencé bien avant le premier janvier 1985 : Alain Revret (la trentaine à l’époque) est contrôleur aérien ( «aiguilleur du ciel» comme disent les journalistes ) et forcément passionné d’aviation ; mais aussi de belles voitures et de sport automobile.
Cela l’a amené à participer aux sélections de la célèbre école de pilotage, la Jim Russell Racing School , basée sur le circuit de Snetterton, au nord-est de Londres. Il aura d’ailleurs l’occasion de prendre le départ d'une course à laquelle Ayrton Senna participait, ni plus ni moins : peu de gens peuvent faire état d’avoir couru avec Ayrton Senna, Alain Revret, lui, si !! C’est donc tout naturellement qu’il participa aussi à quelques rallyes, comme le Tour de la Méditerranée sur Peugeot 504 TI en 1979... (remporté par Guy Fréquelin sur R5 Alpine turbo)
Breveté Pilote Privé Avion en 1975, Alain a participé au premier Tour Aérien du Maroc en 1981 ; la découverte du continent africain lui donne alors envie de s'aligner sur le Paris-Dakar. Cette envie devient de plus en plus pressante, à tel point qu’en 1984, il envisage une première fois de s’engager sur une Citroën Visa 4x4 pour tenter l’aventure. Finalement, ce projet ne pourra se réaliser pour différentes raisons, mais ce n’est que partie remise. D’autant que sa compagne de l’époque, Micheline Litzler, chef-comptable chez Vuibert, est également séduite par le projet! Elle sait en plus qu’un budget a été alloué par cette société spécialisée dans l’édition de manuels scolaires (annales du Bac entre autres) pour être partenaire de Bruno Caillou , pilote moto sur Kawasaki lors de l’édition 1984. Pour le Dakar 85, pourquoi ne pas monter un projet pour parrainer un équipage Revret-Liztler ?
Afin de mettre toutes les chances de leur côté, l’équipage décide de vraiment préparer cette opération : en premier lieu, ils vont participer courant 1984 à un stage de pilotage dans l’école GET de Jean-Michel Fabre, à Cergy-Pontoise. Ils vont non seulement parfaire les techniques de pilotage, de trajectoire et autres apprentissages, mais ils vont en plus rencontrer et sympathiser avec un des instructeurs, Daniel Alary, et lui exposer leur projet : participer au Dakar 1985. Ils cherchent une assistance, n’ont personne pour piloter un véhicule ( rien n’est encore arrêté ) et proposent l’idée à Daniel qui s’empresse de valider cette offre !
A partir de ce moment-là, les choses vont s’enchaîner…
Tout d’abord, le choix du véhicule de course : Alain Revret désire un véhicule simple mais performant, de type berline pour le poids, mais absolument doté de 4 roues motrices.Il repense à son projet de Visa «1000 pistes» mais son choix s'orientera finalement sur l’une des berlines les plus performantes et fiables du marché de l’époque, une Audi 80 Quattro B2.
Bien plus accessible financièrement que la version coupé, elle est équipée du fameux moteur atmosphérique 5 cylindres en ligne de 2,144cm³ développant 136 ch pour un couple de 17,9 mkg. L’alimentation s’effectue par une injection mécanique Bosch K-Jetronic tandis que l’allumage est assuré par un ensemble transistorisé sans rupteurs. Un travail remarquable a également été accompli dans le domaine de la transmission : boite 5 vitesses, trois différentiels, deux arbres de transmission, quatre demi-arbres moteurs, bref - à priori - le modèle idéal... Alain Revret va trouver la perle rare dans les petites annonces et acquérir un véhicule d’occasion avec peu de kilomètres au compteur, un véhicule «normal» sans aucun passé de compétition, dans sa couleur typique NardoGray.
Ensuite le budget : les choses vont se mettre en place peu à peu. Vuibert va apporter le soutien principal avec près de 300 000 francs de l’époque : une belle somme mais qui ne pourra bien sûr pas couvrir le budget total estimé à 600 000F. Du coup, l’équipage de l’Audi va emprunter le restant (300 000F) pour équilibrer les comptes. Le team va alors créer une association, «Quattro MAD Racing» (M de Micheline, A de Alain et D de Daniel {Alary}) pour la partie financière de l’opération, association qui vivra encore de nombreuses années après le Dakar 85...
Puis la préparation de la voiture : Alain Revret va confier son véhicule à la concession Audi d'Amiens. L’immense partie du travail va consister à renforcer, alléger et sécuriser la voiture : l’intérieur sera complètement dépouillé, un arceaux 6 points (réalisé sur mesure) sera installé, de même qu’un réservoir central positionné à la place de la banquette arrière, tandis que deux baquets viendront remplacer les sièges avant. Coté motorisation peu de modifications : le moteur de série est conservé, mais un travail spécifique sur l’allumage et les filtres (air et essence) permet d'augmenter la puissance de 136 cv à 145 cv.
Par contre, pour éviter les dommages pendant la course, la tubulure d'échappement est totalement revue et passe à travers l’habitacle dans un coffrage métallique de protection rempli de laine de verre, avant de ressortir (sans silencieux) à l’arrière du véhicule. Bien évidemment, tout le dessous de la voiture est protégé par un énorme ski en alu à l'avant et par une plaque de protection pour l’essieu arrière (retour d'expérience du Tour de la Méditerranée 79 !).
La chasse aux kilos est lancée : tout ce qui est jugé superflu est enlevé - jusqu’au lave-glace - on sait maintenant que ce n’était pas forcément la meilleure idée ! ( pare-brise impossible à nettoyer lors du prologue...). Les suspensions ont été renforcées par des combinés ressorts-amortisseurs Koni spécifiques. Enfin, la voiture est équipée de pneus Michelin renforcés type «cocotte» avec jantes spécifiques.
L’organisation du team se précise, et l’engagement d’une assistance est alors confirmé : mais si Daniel Alary est du voyage, rien n’est vraiment finalisé. C’est d’ailleurs Daniel qui va leur présenter le 4ème membre du team, Jean-Luc Baudet, un garagiste de Châteauroux, dans l’Indre. Lui non plus n’a aucune expérience du Dakar, mais il avait failli participer au rallye en 83. Le choix du team va se porter sur un pick-up Toyota BJ45 diesel, qui sera acheté par «Quattro MAD Racing» et préparé dans les ateliers de Jean-Luc Baudet.
Si tout parait bien organisé en théorie, le principe de réalité va vite s’appliquer à cette équipe...
Ainsi, la préparation des véhicules va prendre énormément de retard et s’avérer difficile dans le temps imparti... Sans compter sur le budget qui ne couvre pas la totalité des dépenses engagées, à tel point qu'Alain et sa compagne vont devoir réemprunter 100 000F au dernier moment pour couvrir l’ensemble des frais !!
C’est donc deux jours seulement avant les vérifications techniques que l’Audi 80 Quattro sera récupérée par son propriétaire : autant dire qu’il n’y a pas eu d’essais de la voiture avant le départ, et encore moins de possibilité de corriger d'éventuelles imperfections...( et il y en avait!! ). Toute l’équipe croise donc les doigts en se présentant au départ du prologue de Cergy-Pontoise, là-même où quelques mois plus tôt, elle avait effectué le stage de pilotage. C’est Jean-Michel Fabre lui-même qui a tracé le parcours de près de 7km, censé rassembler les différents pièges que devraient rencontrer les concurrents sur les 14000 km du rallye : en effet, le cru 1985 est la plus longue des 7 premières éditions du rallye, traversant la France, l’Algérie, le Niger, le Mali, la Mauritanie et enfin ( pour les heureux rescapés ) le Sénégal....
Mais le prologue ne va pas se passer comme prévu pour notre Audi n°286 : il faut reconnaître que les conditions météo du jour sont particulièrement compliquées, et le circuit de Cergy-Pontoise…passablement détrempé !! La piste est très glissante, recouverte de boue grasse et parsemée de flaques qui sont en fait des cuvettes remplies d’eau boueuse : 7 km de cet enfer à parcourir afin de déterminer l’ordre de départ de la première spéciale en Afrique…
Le prologue va se passer plutôt bien pour notre équipage qui, rappelons-le, connaît un peu cette piste, mais à la sortie Alain reconnaît qu’il a tapé un peu fort à plusieurs reprises sur des réceptions de bosses et de trous : résultat, si les suspensions ont plutôt bien rempli leur rôle, les fragilités « cachées » de la voiture sont vite apparues. Elle termine avec un vilain bruit caractéristique : un support moteur s’est brisé lors de cette petite spéciale. Sans réparation, il sera impossible de continuer !!
A peine cette première épreuve chronométrée terminée, une nouvelle course contre la montre s'engage : trouver un support moteur ! Mais impossible de joindre Audi France (on est Dimanche...) et il faut être à Sète le 1er janvier au soir : Micheline va alors contacter son…... ex-mari qui, pendant que la voiture est au parc fermé sur le parvis de Versailles, va refaire une pièce identique au support moteur cassé à partir de la pièce défectueuse ! Elle sera remontée juste à temps le 1er janvier une heure avant le départ : OUF !!
Mais les ennuis ne font que commencer : dès le départ de Versailles, Alain s'aperçoit qu’il ne peut plus passer les vitesses !! La solution ?? Démarrer en 3ème sur le couple, puis passer la 5ème «au régime» en essayant de ne plus s’arrêter… Tout au long de la descente de la France par la célèbre N20, Alain a tout fait pour s’arrêter le moins possible et a donc grillé l’immense majorité des feux rouges et des stops sur le parcours : il détient sûrement encore le record d’infractions sur une seule journée, heureusement sans avoir été verbalisé...
C’est donc un team très inquiet qui arrive à Alger : la traversée a été plutôt houleuse, plus longue que prévue, et la boite de l’Audi ne fonctionne toujours pas correctement.
La première des choses à faire en mettant les roues sur le sol algérien - très tard dans la journée - c’est d’abord de trouver un endroit pour pouvoir réparer la voiture. Ce sera fait grâce à la gentillesse de coopérants français qui leur proposent d'emmener la voiture au collège où ils enseignent : tout de suite, les mécaniciens inspectent l’Audi pour comprendre ce souci de boîte de vitesse... L’origine du problème va être assez vite identifiée : la cloche d’embrayage n’a pas été suffisamment «étanchéifiée». Lors des passages dans les profonds bourbiers du prologue, de la boue s’était insinuée à l'intérieur et a fini par sécher pendant que la voiture était au parc fermé à Versailles. Cette boue séchée bloque le mécanisme d’embrayage, rendant impossible le passage des vitesses !! Après un nettoyage intensif au Karcher, l’Audi va retrouver toutes ses vitesses comme par miracle : plus de peur que de mal, mais les galères ont donc commencé avant même d'avoir touché le sol africain...
Le rallye ne les a pas attendus : il est déjà parti en direction de Ouargla, 600km plus au sud-est, en passant par le col de Chiffa (encore enneigé). Il faut donc très vite le rattraper et ce n'est pas vraiment le moment de traîner !
Cette liaison va malgré tout un peu rassurer l'équipage, qui retrouve le fonctionnement normal de la voiture : Alain va enfin pouvoir utiliser les 145 cv du moteur, et Micheline va également en profiter pour étalonner son trip-master. A noter une grosse frayeur peu avant Ouargla, lorsqu’un side-car du rallye (qui remontait en sens inverse ??) a failli percuter de plein fouet l’Audi, qui l’évita de peu grâce au réflexe d’Alain et un passage sur les bas-côtés dans de grandes gerbes de sable : c'était chaud !!
Finalement, le team atteint Ouargla au petit matin, à peine trois heures avant le départ de la première spéciale chronométrée, Ouargla-El Goléa. A peine le temps de faire le plein et de boire un café qu’il faut déjà repartir pour les 250 km d’épreuve chronométrée sur une piste caillouteuse, extrêmement cassante, avec des pierres coupantes, de profondes saignées, et des zones de sable mou, sans oublier les nombreux pièges de navigation : bref, une entrée en matière compliquée pour un équipage en manque de sommeil...
Cette spéciale va commencer avec un premier petit souci de liaison entre le pilote et la copilote, via le système radio reliant les deux casques : celui-ci tombe en panne très tôt et empêche une bonne communication pour la navigation au road-book. D’autant que le bruit à l’intérieur de la voiture dépouillée de tout insonorisant est assez assourdissant ! Sans parler de la chaleur qui se dégage du fameux pot d’échappement traversant l'habitacle !!
Mais l’Audi n°286 va plutôt bien s’en sortir, malgré de nombreuses péripéties : un «tankage» dans une zone sablonneuse nécessitant la sortie des pelles et des plaques (la seule fois de la journée, alors que bon nombre de concurrents se feront piéger plusieurs fois), quelques erreurs de navigation (mais vu le rang de départ de la voiture, le suivi du concurrent précédent est souvent l’option choisie), de très gros chocs lors de franchissements de saignées, la tôle ondulée qui fait vibrer l’ensemble de la voiture, un rythme difficile à adopter (passer vite en tapant? Lentement en perdant du temps? Dépasser pour éviter la poussière ?) et de rares moments de plaisir à batailler contre des pilotes «vedettes» attardés.
A l'arrivée de la spéciale, l’Audi n°286 est pointée à El-Goléa au 131ème rang, sur 329 autos-camions classés : malgré cette - plutôt bonne - performance, les dégâts au sortir de la spéciale sont inquiétants.
Deux des jantes spécifiques sont fêlées à plusieurs endroits et doivent impérativement être changées : les deux de secours dans le véhicule d'assistance sont donc utilisées. Mais un constat s’impose : le team n'a emporté «que» 4 jantes de rechange (2 dans l’Audi et 2 dans le Toyota d'assistance) et à l’issue de la toute première spéciale, la moitié du stock est déjà consommée !!
L’étape du lendemain est encore plus compliquée que celle d’aujourd’hui : El-Goléa-In-Salah, 163km de liaison, 298km de spéciale et encore 64km de liaison. Le terrain est assez similaire à la première spéciale, extrêmement varié, sablonneux, puis montagneux et finalement de grands ergs. Encore une fois une étape très piégeuse et cassante : que faire si l’Audi casse encore deux jantes en pleine étape ??
Après concertation et réflexion, Micheline et Alain vont se voir contraints à prendre une difficile mais sage décision : à savoir se retirer de la course trop cassante pour une Audi privée, et remonter sur Alger avec la voiture encore roulante. L’assistance, de son côté, décidera de continuer et de tenter sa chance, espérant rejoindre Dakar, ce qu’elle fera à une magnifique 90ème place au scratch !!
L’Audi, elle, remontera donc (avec ses deux roues de secours) jusqu’en France, l’équipage étant finalement content de ne pas avoir dû abandonner son véhicule au beau milieu du Ténéré au risque de tout perdre...
Ce sera d’ailleurs la seule et unique participation d'Alain et de Micheline au Paris-Dakar, tout au moins en tant que concurrent, car Alain – devenu pilote professionnel avion en 1987 – fera partie de la caravane aérienne de l'édition 1989 en tant que pilote d'un DHC6 «Twin-Otter» de la compagnie TAT... Et cette fois-ci, il arrivera jusqu'au Lac Rose !!
Quant à cette Audi 80 Quattro, elle aura une seconde vie après ce Dakar 85, puisque Jean-Luc Baudet (le pilote du Toyota d’assistance) plutôt impressionné par le début de rallye, décidera de l’acquérir et de participer à son bord au Dakar 1986, accompagné d'Antoine Mazonello.
Ce sera pour le coup l’ultime participation de cette voiture, puisqu’elle périra, entièrement dévorée par les flammes, au cours de cette 8ème édition de l’épreuve.
Mais ceci est une autre histoire…
Un immense merci à Alain Revret pour son témoignage et sa collaboration à cet article, tout comme à Jean-Luc Baudet.
Nous avons finalement retrouvé très peu de photos de cette participation en 1985, si vous avez des clichés, surtout, n'hésitez pas à partager!